Chaque année, elles nous arrivent de leur long périple vers la mi-mars et à mi-septembre, elles repartent vers d'autres cieux. Ce matin, il tombe un petit crachin, elles se sont rassemblées sur les fils, sur les murs et écoutez ce qu'elles nous disent...
Déjà plus d'une feuille sèche
Parsème les gazons
jaunis ;
Soir et matin, la
brise est fraîche,
Hélas ! les beaux
jours sont finis !
On voit s'ouvrir les
fleurs que garde
Le jardin, pour
dernier trésor :
Le dahlia met sa
cocarde
Et le souci sa toque
d'or.
Les hirondelles sur
le toit
Tiennent des
conciliabules :
Voici l'hiver, voici
le froid !
Elles s'assemblent par centaines,
Se concertant pour
le départ.
L'une dit : "
Oh ! que dans Athènes
Il fait bon sur le
vieux rempart !
" Tous les ans j'y vais et je niche
Aux métopes du
Parthénon.
Mon nid bouche dans
la corniche
Le trou d'un boulet de canon. "
Le trou d'un boulet de canon. "
L'autre : "
J'ai ma petite chambre
A Smyrne, au plafond
d'un café.
Les Hadjis comptent
leurs grains d'ambre
Sur le seuil d'un
rayon chauffé.
" J'entre et je
sors, accoutumée
Aux blondes vapeurs
des chibouchs,
Je rase turbans et
tarbouchs. "
Celle-ci : "
J'habite un triglyphe
Au fronton d'un
temple, à Balbeck.
Je m'y suspends avec
ma griffe
Sur mes petits au
large bec. "
Celle-là : "
Voici mon adresse :
Rhodes, palais des
chevaliers ;
Chaque hiver, ma
tente s'y dresse
Au chapiteau des
noirs piliers. "
La cinquième :
" Je ferai halte,
Car l'âge m'alourdit
un peu,
Aux blanches
terrasses de Malte,
Entre l'eau bleue et
le ciel bleu. "
La sixième : "
Qu'on est à l'aise
Au Caire, en haut
des minarets !
J'empâte un ornement
de glaise,
Et mes quartiers
d'hiver sont prêts. "
Le Caire |
" A la seconde
cataracte,
Fait la dernière,
j'ai mon nid ;
J'en ai noté la
place exacte,
Dans le pschent d'un
roi de granit. "
Toutes : "
Demain combien de lieues
Auront filé sous
notre essaim,
Plaines brunes, pics
blancs, mers bleues
Brodant d'écume leur
bassin ! "
Sur la moulure aux
bords étroits,
Ainsi jasent les
hirondelles,
Voyant venir la
rouille aux bois.
Je comprends tout ce qu'elles disent,
Car le poète est un
oiseau ;
Mais, captif ses
élans se brisent
Contre un invisible
réseau !
Des ailes ! des
ailes ! des ailes !
Comme dans le chant
de Ruckert,
Pour voler, là-bas
avec elles
Au soleil d'or, au
printemps vert !
Théophile
GAUTIER (1811-1872)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Votre commentaire sera publié après modération de la rédaction